Amélie Leperlier

Me Amélie Leperlier est une avocate au barreau de Paris depuis le 27 novembre 2019.

Elle est avocate en Droit social et en Droit du travail.

Le cabinet dans lequel elle se situe est DS Avocats.

Épisode diffusé le 16 mai 2022.

Bonjour Amélie Leperlier

Amélie Leperlier : Bonjour.

Pouvez-vous m’indiquer votre métier et me décrire brièvement en quoi il consiste ?

Amélie Leperlier : Je suis avocate au Barreau de Paris depuis 2019 et j’exerce dans deux domaines de prédilection : à la fois en droit social et plus particulièrement en droit du travail, je conseille et j’assiste des sociétés et des salariés dans le cadre des relations de travail, et en même temps, j’exerce également en droit pénal.

Avez-vous imaginé faire ce type de métier quand vous étiez enfant ?

Amélie Leperlier : Oui, tout à fait. C’est un métier que j’ai voulu faire depuis que je suis toute petite. Je ne pourrai pas vous dire à quand remonte cette vocation mais c’était vraiment une vocation. Je n’ai jamais voulu faire un autre métier.

J’ai toujours envisagé de faire le métier d’avocat. Je crois même qu’en sixième, déjà, j’avais fait un exposé sur le métier d’avocat. En troisième, j’ai fait mon stage dans un cabinet d’avocats également. Ça a été vraiment une ligne de conduite dès le départ. C’est un métier qui me fascinait et que je trouvais ancestral.

Je me disais que c’était quand même l’un des plus vieux métiers du monde, qui avait traversé les époques. Un métier plein de rites et de coutumes. Encore aujourd’hui, parfois, je trouve ça surprenant que je sois devenue avocate parce que c’était vraiment plus un rêve qu’un objectif.

Et je suis très contente de l’être aujourd’hui.

Avez-vous des souvenirs de l’exposé en sixième ?

Amélie Leperlier : C’était quelque chose de très scolaire. Je crois que j’avais parlé à deux ou trois avocats pour essayer d’avoir des informations un peu plus concrètes sur le métier. J’avais vraiment l’impression de parler d’un domaine dans lequel je me sentais déjà à ma place et qui collait à ma personnalité car j’étais déjà très empathique.

J’aimais prendre la défense des autres, j’étais très « déléguée de classe ».  J’aimais bien défendre les causes qui m’importaient. Donc, le métier d’avocat était vraiment une évidence.

Alors justement, pendant votre enfance, est ce qu’il y avait des avocats autour de vous ? Voir même un peu après pour aussi, le stage en troisième, ce n’est peut-être pas toujours évident d’en trouver. Alors est-ce que vous aviez des avocats autour de vous ?

Amélie Leperlier : Pas du tout. Je n’ai aucun avocat dans ma famille et je n’en avais pas dans mon entourage proche. J’avais regardé sur Internet pour trouver des avocats pour mon stage de troisième.

Je n’avais aucune figure d’avocat autour de moi. Mais finalement, je trouve avec le recul, que c’est une bonne chose parce qu’au moins c’est un parcours qui est très personnel. Je ne me suis pas sentie obligée. Par exemple, si j’avais eu des parents avocats, je me serais sentie peut-être obligée de marcher dans leurs pas, de suivre leur trace. Le fait que personne d’autre ne l’ait été avant moi dans ma famille m’a permis d’avoir vraiment mon propre parcours et d’avoir une démarche qui était très personnelle.

Je suis la première avocate de ma famille.

Alors, à propos de parcours, quel est votre parcours d’étudiante ?

Amélie Leperlier : J’ai un parcours un peu atypique parce qu’au départ, j’ai fait un bac littéraire, avec l’option latin, que je recommande d’ailleurs souvent aux jeunes parce qu’on a tendance à négliger le latin. Et finalement, quand on se retrouve en fac de droit, on se rend compte qu’on a énormément d’adages juridiques, qui sont en latin, beaucoup de termes juridiques qui ont des racines latines. Je trouve que ça aide car on est déjà familiarisé avec le latin.

Par la suite, j’ai fait un parcours assez classique en droit privé, avec une licence de droit privé. Puis un master en droit privé, mention carrières judiciaires, qui permettait d’être assez généraliste pour ne pas me spécialiser tout de suite et en même temps d’avoir un bon socle de connaissances communes. Ensuite, j’ai préparé et passé l’examen du barreau, après mon master 1, bien que tout le monde m’avait déconseillé de le faire : on m’avait dit « attends d’abord d’avoir ton master 2 avant de préparer le concours », ce que je n’ai pas fait. J’étais assez pressée.

Je suis entrée à l’Ecole du barreau de Paris, à l’EFB, et j’ai fait trois années en une : l’Ecole du barreau de Paris, et en même temps j’ai fait un master 2 en droit du travail et ressources humaines. Comme il s’agissait d’un master 2 qui était en alternance, j’étais en parallèle en entreprise, en tant que juriste en droit social. Ça a donc été une année très chargée.

Combien il y a d’heures dans vos journées à vous ?

Amélie Leperlier : A l’époque, il y avait surtout très peu de nuits, mais ça a fonctionné quand même. J’avais cours à l’école du Barreau le soir et le samedi, et la journée en semaine, j’étais trois semaines par mois en entreprise et une semaine par mois en cours dans le cadre du master 2. Donc, ça a été assez acrobatique, mais au moins ça m’a permis de vraiment me mettre à fond dans cette année et de ne faire que ça.

Là, pour le coup, j’ai vraiment mis ma vie personnelle entre parenthèses. Mais ça a été un bon exercice pour apprendre à gérer tout en même temps, à s’organiser. Ça a été un bon exercice.

Très bien. Bravo. Je suppose que vous deviez être une des plus jeunes par rapport aux personnes qui mettent plus de temps. Y a t il eu un déclic pour orienter ce parcours ? Surtout sur le côté carrière judiciaire. Est-ce que c’est pendant vos études que vous avez découvert ça et que ça vous a intéressé ou qu’est ce qui a orienté finalement cette spécificité dans votre parcours ?

Amélie Leperlier : J’avais en tête que je voulais être avocate. Donc j’avais cet avantage d’être entrée en fac de droit en sachant ce que je voulais faire, je ne me suis pas cherché en termes de profession.

Ce qu’il me restait à trouver, c’était plutôt le domaine dans lequel je souhaitais exercer. Au départ, j’ai eu un premier coup de cœur pour le pénal. J’avais d’ailleurs fait l’Institut de criminologie et de droit pénal à Paris.

Le déclic que j’ai eu pour le pénal était à l’occasion d’un stage que j’ai fait quand j’étais très jeune. Je crois que j’avais 20 ans et j’ai eu la chance de pouvoir faire un stage d’un mois à la brigade criminelle de la DRPJ de Versailles, la Direction de la Police Judiciaire. Ça a été un vrai coup de cœur pour le pénal à ce moment-là parce que j’ai pu travailler en immersion dans un groupe d’enquêteurs, ainsi qu’avec des magistrats sur des affaires criminelles en cours.

Voir le travail d’enquête, les coulisses, les rapports avec les magistrats, avec les victimes, avec les parquetiers, ça m’a vraiment donné envie de faire du pénal.

Par la suite, j’ai eu un second déclic, plus tard, pour le droit social, lorsque je travaillais en entreprise et que j’occupais un poste de juriste en droit social (droit du travail). Au départ, je n’aimais pas trop le droit social pour être honnête, parce que je trouvais que, sur les bancs de la fac, c’était une matière très théorique et un peu froide.

Finalement, le fait de le pratiquer en entreprise, je me suis aperçue qu’au contraire, c’était une matière qui était très vivante et humaine car on gère de l’humain en entreprise. J’ai compris que c’était également une matière de compromis, une matière de négociation mutuelle et une matière vraiment concrète et utile : il y a un problème dans l’entreprise et il faut trouver une solution rapidement.

C’est donc à travers des expériences professionnelles, mon stage en PJ et mon expérience en entreprise, que j’ai pu avoir un coup de cœur pour ces deux domaines en particulier.

Et donc peut-être qu’il y a une personne qui vous a un peu influencé, notamment lors de ce stage, justement pour poursuivre vos études que si vous voulez, d’une certaine façon, c’est un peu le moment de si vous avez quelqu’un a remercié, c’est peut-être par rapport à cette question que vous pouvez le faire Est ce que vous avez un mentor par exemple ?

Amélie Leperlier : Je ne pourrais pas dire que j’ai un mentor en particulier, surtout dans les forces de l’ordre. Mais effectivement, j’ai eu la chance qu’ils me fassent confiance et qu’ils m’accordent un mois de stage, ce qui est assez long en police.

Ils m’ont vraiment bien accueillie et je suis restée proche d’eux, encore aujourd’hui. Ça me permet d’avoir un rapport différent avec la police. Je sais qu’il y a des rapports parfois conflictuels entre les avocats et les policiers ou les gendarmes. En l’occurrence, maintenant que je connais un peu les coulisses, je connais aussi les difficultés du métier derrière. Je connais les conditions de travail et ça me permet aussi de fluidifier mes rapports avec eux aujourd’hui dans mon métier.

Je n’ai pas de mentor en particulier. Mais je me souviens que, quand j’étais à la fac, je n’hésitais pas à contacter mes profs. Certains hésitaient à le faire mais je me disais qu’ils étaient aussi là pour nous aider. Je n’ai pas hésité à écrire quasiment à tout le monde, à mes profs mais aussi aux avocats que j’admirais.

Parfois, j’allais voir des audiences sur mon temps libre pour voir des avocats plaider. Ensuite, je tapais leur nom dans Google et je leur écrivais pour qu’ils me donnent des conseils. Le métier d’avocat est un métier de transmission. Il y en a qui ne répondent pas, bien sûr, mais il y en a aussi qui répondent donc il ne faut pas hésiter à les contacter.

Donc, pour des étudiants, si vous auriez des conseils à leur donner, quelles seraient les, vous avez déjà répondu un petit peu, mais pour vous, quels conseils auriez-vous à donner à un étudiant pour qu’il éventuellement suive votre exemple s’il est, s’il a envie de faire des stages aussi un peu équivalents aux vôtres.

Amélie Leperlier : Déjà, il faut oser. On m’a souvent répété qu’il fallait avoir des contacts, qu’il fallait avoir un réseau, que sinon ça ne servait à rien de postuler. Et c’est faux. J’ai envoyé beaucoup de courriers, j’essayais au maximum de démontrer ma motivation et de montrer en quoi le stage que je sollicitais était cohérent avec mon parcours.

Il faut faire un maximum de stage. Vraiment, c’est primordial parce que c’est possible parfois d’avoir une fausse image d’une matière à la fac, qu’on croit aimer, ou à tort, qu’on croit détester. Et finalement, en pratiquant, on s’aperçoit que ce n’est pas du tout ce qu’on imaginait. Parfois, on envisage un métier et puis en fait, trois stages en cabinet d’avocats plus tard, on se dit « ce n’est pas pour moi ».

Aussi, je pense qu’il faut faire des stages en dehors du métier qu’on envisage. En tant qu’étudiant, on a l’opportunité de travailler partout, ce qui n’est plus possible une fois avocat.

J’ai également fait un stage en juridiction, à la Cour d’appel de Paris. Je me suis dit « Je vais voir comment fonctionne un greffe, un service au sein d’un tribunal, je vais aller voir comment ça se passe dans la police ». C’est le moment, pendant les études, où on peut aller partout, donc il ne faut vraiment pas hésiter à se diversifier et à aller faire des stages aussi là où on n’y penserait pas, même chez les notaires, chez les huissiers, en prison etc

Il faut avoir une vision très périphérique et pas uniquement s’enfermer dans les stages en cabinet d’avocats.

Je pense que c’est un excellent conseil. Faire des stages ça revient assez souvent, mais faire des stages dans des domaines ou on pense qu’on n’ira pas par la suite, je pense que ça peut donner des idées.

Amélie Leperlier : Oui. Et puis même après, dans la pratique, ça permet d’avoir une vision différente. De savoir comment fonctionne un greffe, de savoir à qui s’adresser quand on écrit à telle ou telle juridiction, de connaitre les contraintes, les rôles et les habitudes de chacun.

Quel jour avez-vous prêté serment et quels souvenirs en gardez-vous ?

J’ai prêté serment le 27 novembre 2019 à la Cour d’appel de Paris et j’en garde un excellent souvenir. Je pense, comme tous les avocats, c’était un très bon moment.

J’ai eu la chance d’avoir mes proches qui ont pu venir mais aussi des gens qui travaillent au Palais de justice que j’avais connus durant mes stages et qui ont eu la gentillesse de se déplacer pour me voir, donc je me suis sentie très entourée. C’est vraiment un moment qui passe très vite, donc vraiment si je pouvais donner un conseil aux élèves-avocats ou futurs avocats, c’est de profiter.

Je me souviens que je n’arrêtais pas de me répéter « Ca y est, c’est en train d’arriver », mais je n’ai pas vraiment profité de ma journée. C’est votre moment et votre journée, il faut vraiment lâcher prise.

Dans quel type de structure avez-vous commencé vos activités et quel était votre rôle à ce moment-là ?

J’ai débuté dans un très petit cabinet parce qu’à l’époque, j’étais assez terrifiée par les grosses structures car on m’avait fait beaucoup de retours négatifs.

On m’avait fait peur avec les gros cabinets dont j’avais une vision un peu impersonnelle et assez froide.

Je me suis dit que je préférais aller dans un environnement plus rassurant, un plus petit cabinet, plus familial où je pourrais avoir des liens plus proches avec mon associé, où je me sentirais sans doute plus à l’aise. Et finalement, ça s’est assez mal passé. Donc j’essaye au maximum de rassurer les futurs avocats : votre première collaboration peut mal se passer et ce n’est pas grave du tout.

Finalement, j’ai fini par rejoindre un très gros cabinet spécialisé en droit social à Paris et ça s’est très bien passé.

On m’a complètement jeté dans le bain dès le départ. Je crois que je suis arrivée et au bout d’une semaine on m’a fait plaider. J’ai dû faire tous les Conseils de prudhommes de France. J’ai vraiment voyagé aux quatre coins de la France pendant toute la durée de mon expérience là-bas. Mais j’ai pu tout de suite être en relation directe avec les clients, traiter des dossiers importants, assez complexes.

Et ça a été beaucoup de travail. Mais j’ai eu l’impression de faire une formation en accéléré. Ça allait très vite mais c’était très enrichissant, j’ai été très très bien formée pour le coup.

Et maintenant, où exercez-vous ?

Amélie Leperlier : Je suis allée dans un autre gros cabinet d’avocats et aujourd’hui, je suis toujours collaboratrice.

Je suis désormais dans ma troisième année d’exercice, je commence à développer de plus en plus ma clientèle personnelle. Ça aussi, je pense que c’est important parce que la collaboration c’est très rassurant au départ, parce que on est formé, on ne travaille pas seul. On peut avoir un regard croisé sur les dossiers avec le reste du cabinet. Mais on peut très vite aussi s’enfermer dans un système qui fait qu’après, on a du mal à prendre ses responsabilités et à se dire « maintenant je vais essayer de prendre mes clients à moi et de gérer mes propres dossiers ».

Aujourd’hui, je suis plus dans une démarche entrepreneuriale et j’essaye progressivement de me détacher de ma collaboration pour me consacrer plus à ma propre carrière.

Quel est pour le moment votre meilleur souvenir professionnel ?

Amélie Leperlier : Je dirais que c’est ma première relaxe obtenue au tribunal correctionnel. C’était la première fois que je plaidais au tribunal correctionnel à Paris. Je n’étais pas encore avocate, j’étais élève avocate. Mon maître de stage à l’époque m’a fait l’honneur de me laisser plaider sur un dossier. C’était un dossier de violences réciproques. Le client était présent et il était particulièrement bouleversé.

Je crois même qu’il a pleuré pendant la plaidoirie donc c’était un peu déconcertant pour moi. La salle était vraiment pleine à craquer. Il y avait beaucoup de confrères que j’avais reconnus. J’étais au départ assez tétanisée et finalement ça s’est très bien passé. À tel point que la présidente a rendu une décision sur le siège c’est à dire qu’elle a annoncé le délibéré durant l’audience : elle a annoncé que le prévenu, qui était mon client, était relaxé.

Quand nous sommes sortis de la salle, il s’est jeté dans mes bras en me remerciant, c’était totalement galvanisant. Je me suis dit « c’est donc ça ce qu’on ressent quand on sort d’audience et qu’on se dit j’ai été utile » . J’ai su convaincre et j’ai pu sauver, en quelque sorte, la vie de quelqu’un.

C’était assez vertigineux parce que c’est une grosse responsabilité. Et en même temps, quand ça marche, on se dit qu’on est vraiment à la bonne place.

Est-ce que vous pouvez m’expliquer cette notion de vous avez utilisé un terme que je ne connais pas, finalement pour un néophyte comme moi, c’est donner un résultat immédiat. Mais vous avez utilisé un mot par rapport au juge qui a donné son ?

Amélie Leperlier : Oui, le verdict sur le siège.

Le verdict sur le siège. Alors est ce que vous pouvez m’expliquer ? J’ai cru comprendre mais est-ce que vous pouvez nous expliquer aux personnes qui écoutent ce que c’est et ce que ça signifie de faire ça par rapport à une situation plus classique ? Ou finalement, je suppose qu’il y a une sorte de débat ou en tout cas, il y a une réflexion comme un peu plus long que donner le…

Amélie Leperlier : Effectivement, on a un délibéré avec une date qui est prévue. Puis on se rapproche du greffe quelques semaines ou quelques mois plus tard pour prendre connaissance de la décision : c’est le délibéré.

C’est un temps d’attente un peu stressant pour le client, pour nous aussi d’ailleurs. Parfois, le magistrat fait une sorte de pause pendant l’audience et décide de statuer sur le siège, c’est-à- dire de rendre sa décision immédiatement.

A la fois, c’est mieux pour le client, comme il n’y a pas de suspense, il y a un côté rassurant. Et en même temps, c’est difficile parce que on apprend la nouvelle devant tout le monde et devant le client.

Lui, souvent, ne comprend pas, donc il se tourne vers son avocat, il faut lui expliquer, même si ce n’est pas bon.

C’est une immédiateté qui est quand même assez stressante. Et puis il y a souvent un silence religieux, c’est un contexte particulier. Mais, en l’occurrence, il peut y avoir une bonne décision à la clé et c’est un bon moment à vivre.

Et pour avoir une idée, est ce qu’il y a un peu des statistiques pour dire est ce que c’est moitié moitié ou est-ce que c’est extrêmement rare ? Ce n’est même pas 10 % des cas cette situation ?

Amélie Leperlier : Non, c’est plus rare. Normalement, on attend pour le délibéré.

D’accord. Vous êtes avocate en droit social, en droit pénal et en droit pénal du travail. Pouvez-vous m’expliquer à quoi correspondent ces différents domaines de compétences et en donnant des explications pour quelqu’un qui s’y connaît pas du tout comme moi.

Amélie Leperlier : Le droit social concerne deux branches : le droit du travail et droit de la sécurité sociale. Moi en l’occurrence, je ne fais pas de droit de la sécurité sociale, donc je ne fais que du droit du travail. Il y a le côté employeur et le côté salarié, c’est assez protéiforme.

Le côté employeur : vous conseillez, vous assistez des sociétés dans toutes les problématiques qu’elles peuvent rencontrer, que ce soit avec un salarié en cas de contentieux, mais aussi en cas de restructurations ou de réorganisations. Cela concerne également les relations sociales avec les syndicats.

Si vous êtes côté salariés, dans ce cas-là, vous travaillez plutôt sur le contrat de travail, la conclusion du contrat, l’application du contrat, la rupture de la relation de travail, le licenciement, la contestation du licenciement, les conditions de travail.

Donc c’est assez varié et c’est quasiment même, je pense, deux métiers différents, d’être avocat côté salarié et avocat côté employeur.

Le droit pénal, c’est un domaine qui parle peut-être plus aux gens car ce sont les délits et les crimes.

D’une façon générale, je ne peux pas vous citer toutes les infractions, mais ce sont souvent souvent des affaires de violences, de trafic de stupéfiants, de vols, d’homicides…

Ce sont des dossiers un peu plus sensibles, notamment humainement. Ce n’est pas évident de gérer ce genre de dossiers.

Et le droit pénal du travail est une matière un peu à la limite des deux autres, qui concerne des infractions pénales mais dans le domaine du travail.

Vous avez notamment du harcèlement, des problématiques de responsabilité de dirigeants, du travail dissimulé également. Il peut arriver que, dans le cadre d’une relation de travail, des infractions pénales soient commise, dans ces cas-là, on bascule dans un domaine qui est celui du droit pénal du travail.

D’accord. Vous nous avez donné déjà des exemples que vous auriez un exemple. Un autre exemple évidemment sans citer de nom ni tout ça. Mais où on passe du droit social. Enfin, vous venez de l’expliquer, vous auriez un autre exemple à nous donner où on passe du droit social justement à quelque chose qui apparemment prend de l’ampleur et ça se complique un peu.

Amélie Leperlier : Ça peut arriver assez vite et c’est assez fréquent finalement, surtout quand vous êtes côté employeur, parce qu’il suffit par exemple que vous ayez un problème sur le temps de travail et après très vite, vous pouvez vous retrouver dans un cadre de travail dissimulé. Ou sinon, plus récemment, j’avais l’habitude d’assister une société plutôt pour des questions de logistique, de réorganisation, de restructuration, mais  il y a eu un accident sur le site et un salarié s’est gravement blessé avec une machine.

C’était vraiment un gros accident : il a failli mourir. Il y a donc la responsabilité à la fois de la société et des dirigeants qui peut être engagée. Cela débouche sur un volet pénal avec une enquête, avec l’intervention de la police et du Parquet.

Alors vous l’avez évoqué tout à l’heure par rapport à votre parcours, vous avez été dans un grand cabinet. Il se trouve que si j’ai bien lu votre profil LinkedIn, c’était un grand cabinet international. Alors quels sont les avantages d’être dans un cabinet international ?

Amélie Leperlier : Avant tout des avantages matériels car on a la chance d’être très bien entourés, d’avoir des stagiaires, de pouvoir former des élèves avocats, d’avoir des assistantes. C’est une façon de travailler qui nous décharge quand même beaucoup de tout l’aspect administratif.

Souvent, dans un gros cabinet, on a plusieurs équipes voire plusieurs départements. Quand vous êtes par exemple dans le département droit social, vous pouvez être amené à travailler avec d’autres départements, avec le département corporate ou droit des affaires par exemple. Vous êtes amené à collaborer sur d’autres dossiers qui parfois sortent de votre champ de compétences initial.

Et puis il y a l’aspect international qui permet d’avoir des dossiers de plus grande envergure, d’être en contact permanent avec les confrères du cabinet ou du réseau qui se sont dans d’autres pays. On  découvre d’autres façons de travailler, d’autres manières d’approcher le dossier.

Vous avez travaillé sur la notion de compliance social dans un précédent cabinet. Je ne sais pas ce que c’est. Alors pouvez-vous m’expliquer ce que ça veut dire ?

Amélie Leperlier : La compliance c’est un terme un peu générique. Mais la compliance sociale, c’est veiller à la mise en place de politiques de conformité pour les entreprises, notamment en matière de RSE, en matière de diversité, en matière d’inclusion. C’est aussi essayer de vérifier que l’entreprise met tout en place pour prévenir les risques psycho sociaux, ainsi que pour les traiter.

C’est la mise en place de systèmes d’évaluation en interne pour gérer ces risques-là. On va un peu au-delà de la simple gestion des risques juridiques ou financiers : On est vraiment dans une gestion de la réputation de la société. C’est vraiment primordial aujourd’hui de s’assurer que les entreprises, en termes de politique d’inclusion, de politique de diversité, en matière d’environnement soient vraiment bien conformes à toutes les nouvelles dispositions.

Et c’est un terme apparemment, je ne l’ai pas prononcé comme il faut. C’est plutôt anglo saxon c’est, il faut le dire, à l’anglaise.

Amélie Leperlier : Tout à fait. Oui.

Et finalement ça me fait penser un peu à la marque employeur, presque pour une pour une entreprise classique.

Amélie Leperlier : C’est ça, c’est un peu de la marque employeur. Mais côté juridique.

Pouvez-vous m’expliquer si vous gérez aisément votre vie professionnelle et votre vie personnelle, sachant que cette question a été évoquée lors d’un précédent épisode par une élève avocate qui s’interrogeait un peu sur son entrée dans la vie active ? Comment ça se passe ? Vie perso, vie pro ?

Amélie Leperlier : Honnêtement, c’est difficile. Je pense que beaucoup d’avocats peuvent le confirmer, ce n’est pas évident, parce que c’est un métier qui implique beaucoup  d’investissement personnel ainsi qu’une grosse charge de travail. Cela dit, ce n’est pas évident mais ce n’est pas impossible non plus.

Il faut savoir se protéger émotionnellement. C’est toujours difficile : j’ai l’habitude de dire qu’un avocat, c’est un peu comme un médecin, les gens viennent vous voir quand ça ne va pas. Donc vous êtes toujours confronté à des problèmes. Toute la journée, vous êtes en train de régler les problèmes des autres. Il faut essayer d’avoir une vie personnelle plutôt calme pour essayer de décompresser un peu parce que sinon ça devient vite ingérable.

Il y a plein de petites astuces pour essayer de cloisonner les deux. J’ai notamment arrêté de mettre les mails de mon cabinet sur mon téléphone. Aujourd’hui, je garde uniquement les mails de mes clients persos et seuls les clients dont je sais qu’ils peuvent avoir une vraie urgence ont mon numéro de portable.

Cela me permet de faire un filtre et de vraiment prioriser ce qui est vraiment urgent face à ce qui ne l’est pas. Il faut essayer aussi de faire la part des choses : ce qui n’est pas important peut attendre, même si c’est difficile il faut se forcer.

Et puis il faut absolument avoir une vie sociale à côté, sortir, voir du monde, c’est très important. C’est un métier parfois très sacrificiel mais il faut se forcer à se changer les idées.

Il faut aussi écouter nos proches. J’ai remarqué que quand j’étais moins disponible, ma famille et mes amis ont tendance à me dire « écoute on te voit moins en ce moment, tu es moins disponible, tu ne réponds plus trop aux messages » : il faut les écouter. Ils ont souvent raison.

C’est deux très bonnes astuces entre les deux mails, puis écouter ses proches. Je pense que ça sera très utile. Les avocats font partie des professions réglementées dans le secteur juridique. Vous avez un compte Instagram pro puisqu’il se nomme Maître Leperlier. J’aimerai savoir comment vous choisissez vos publications et quelles limites vous vous imposez ?

Mon compte pro a été ouvert assez récemment, au début de l’année 2022. Au départ, je voulais pouvoir rencontrer d’autres avocats parce qu’à Paris, on a vite l’impression de toujours tous se fréquenter, de rester entre nous. Je voulais voir un peu comment ça se passait pour les autres jeunes avocats, notamment ceux en province qui arrivent à s’installer.

Je voulais découvrir d’autres parcours et j’avais une vraie volonté de pouvoir échanger avec d’autres confrères.

Et puis je me suis dit que ce serait aussi un moyen de pouvoir montrer le métier d’avocat à des gens qui ne sont pas avocats ou à des étudiants. Je souhaitais pouvoir communiquer, mais pas de façon institutionnelle, pouvoir montrer le quotidien d’une jeune avocate, que ce soient les bons aspects, les aspects négatifs, les bons moments au cabinet mais aussi les attentes interminables en audience.

Vraiment montrer l’aspect concret, un Instagram accessible et non purement juridique. Ça peut m’arriver de donner des conseils ou d’expliquer des règles juridiques, mais je voulais que ce soit quelque chose d’assez personnel, où l’on puisse me suivre dans mon quotidien.

C’est d’ailleurs comme ça qu’on est rentré en contact.

Amélie Leperlier : Exactement.

Et vous avez réussi à avoir des contacts avec d’autres avocats en dehors des gens que vous connaissiez, ça vous a vraiment apporter un plus d’ouvrir ce compte par rapport à vos objectifs initiaux ?

Amélie Leperlier : Oui, j’ai pu nouer des liens effectivement avec d’autres avocats que j’ai d’ailleurs rencontrés dans la vraie vie. J’avoue que j’étais stupéfaite de voir de jeunes avocats qui avaient réussi à se mettre à leur compte très rapidement, notamment parce qu’ils étaient partis en province, et qui avaient réussi à trouver un équilibre de vie que j’estime ne pas avoir encore aujourd’hui.

A Paris, on est quand même globalement tous un peu dans le même moule, surtout dans les gros cabinets donc c’est assez rafraîchissant de voir qu’on peut faire ce métier-là différemment ailleurs.

Et puis j’ai aussi beaucoup de retours d’étudiants en droit ou de gens qui me posent des questions sur l’actualité, qui me demandent mon avis sur des affaires judiciaires. Ils s’intéressent aussi à ce que je poste, me demandent ce qu’est une audience par exemple.

Je trouve ça super de pouvoir expliquer aux gens cette profession qui, souvent, est très institutionnalisée alors que c’est une profession avec beaucoup de jeunes.

Ce n’est pas trop chronophage dans certains cas, de répondre à tout un tas de questions qui finalement, ça prend du temps au détriment de vos activités purement pro, on va dire.

Amélie Leperlier : Oui, c’est vrai que c’est un investissement que je n’aurais pas pu faire avant.

Je l’ai créé en début d’année parce que je suis dans un moment de ma carrière où je peux enfin souffler un peu.

Après, je ne peux pas répondre à tout le monde naturellement, mais je vraiment je m’engage à répondre aux étudiants en droit parce que je sais à quel point, parfois, on est peut être perdu et un peu désespéré. Ils ont besoin d’être rassurés. Donc j’essaye vraiment au maximum de répondre aux étudiants en droit et à ceux qui me posent des questions pertinentes.

Et puis j’essaye aussi de faire un système de questions/réponses en story , cela me permet d’avoir un contact plus proche, plus fluide avec les gens, mais aussi de répondre au plus grand nombre.

Avez-vous une idée des autres canaux de communication qui pourraient vous mettre également en lumière ?

Amélie Leperlier : Probablement les autres réseaux sociaux. Je vous avoue que je suis très branchée Instagram. Je n’ai pas de Facebook professionnel.

LinkedIn, je trouve que c’est un très bon réseau mais où on se retrouve très vite entouré d’autres avocats : je me sens enfermée.

Des podcasts par exemple, c’est une très bonne idée de pouvoir passer par des podcasts pour parler à tout le monde.

La langue française est partie intégrante de votre métier. Il y a maintenant un petit rituel dans ce podcast pour chaque invité, c’est de connaître le mot ou l’expression usité que vous appréciez tout particulièrement.

Amélie Leperlier : C’est une très bonne question. Une expression que j’utilise souvent, je ne sais pas si d’autres l’utilisent ou pas, mais j’aime bien dire « Ce n’est pas piqué des hannetons ». Je crois que plus personne ne dit ça depuis 20 ans. Et sinon, j’ai un petit plaisir coupable. J’aime beaucoup mettre dans mes conclusions, le mot superfétatoire.

J’aime bien le placer à un moment donné et j’ai l’impression d’avoir manqué quelque chose quand je ne l’ai pas mis.

Vous pouvez me donner une petite situation superfétatoire. Un petit exemple, comment vous pouvez le glisser dans un courrier ou dans quelle occasion vous pouvez le faire et nous donner un petit exemple ?

Amélie Leperlier : Souvent, dans des conclusions. Quand on essaye d’être un peu incisif envers la partie adverse.

On taquine un petit peu.

Amélie Leperlier : Oui, on devient un peu attaquant, mais bon, ce n’est pas méchant non plus.

Alors à l’inverse, quels tics de langage, cette fois ci à l’oral, n’appréciaient pas beaucoup ? Je pose cette question ce n’est pas pour dénoncer, mais c’est juste pour essayer de s’améliorer. On a tous, chacun un peu des tics ou on en remarque et c’est pour voir en gros comment on peut s’améliorer. Quels tics de langage vous chatouille un peu les oreilles ?

Amélie Leperlier : Je ne supporte pas l’expression « au jour d’aujourd’hui ». Je pense vraiment qu’il faut abolir cette expression. Il y a même des gens qui font des variantes : « à l’heure d’aujourd’hui », alors ça, c’est terrible. Ça mais je trouve ça vraiment terrible.

Et sinon, c’est une petite revendication personnelle mais je ne supporte pas les confrères et les consœurs qui m’appellent « confrère ». Sur ce sujet, la profession est vraiment divisée.

C’est divisé apparemment. Si j’ai bien compris par rapport à un homme, vous serez son confrère, mais c’est uniquement pour une femme, vous serez sa consœur. Si, je ne me trompe pas.

Amélie Leperlier : Normalement, c’est la règle, c’était l’usage. Après, je pense qu’on peut aussi faire évoluer les usages.

Et de la même manière que je n’aimerais pas qu’on m’appelle Monsieur, je préfère qu’on m’appelle consoeur. Ça permet aussi de l’entendre plus souvent, déjà qu’on nous appelle « maître »… il y a quand même quelque chose de très uniforme dans le fait de tous nous appeler maître, qui est en plus au masculin.

Dire consœur ça permet de se rappeler qu’il y a aussi des femmes dans cette profession et « confrère » ou « consœur » marque cette diversité.

Mais le côté maître, vous ne voulez pas changer ça ?

Amélie Leperlier : Non, non, pas du tout, j’y suis très attachée. Ça me paraît tout à fait normal.

Si certains de vos consœurs, voire même confrères vous écoutent et ont envie de faire un petit club pro, ils pourront vous appeler pour défendre cette appellation.

Amélie Leperlier : Oui, rejoignez-moi.

Alors une question importante pour conclure cet épisode. Qu’est-ce qu’un bon avocat pour vous ou une bonne avocate ?

Amélie Leperlier : C’est une question très difficile.

Je pense sincèrement que c’est l’alliance à la fois d’un bon technicien du droit, parce que c’est essentiel de bien connaître la procédure, de bien connaître les règles juridiques, il faut avoir ce côté quasiment mathématicien, très bon praticien du droit.

Et en même temps, il faut avoir énormément d’empathie, d’humanité, de bienveillance, d’ouverture d’esprit. Donc il faut vraiment réussir à essayer de fusionner ces deux aspects-là : rester un bon juriste et humainement être un avocat. Pour moi, c’est vraiment ce qui permet d’être le plus complet possible.

Quasiment une dernière question, mais cette fois ci, elle est particulière. C’est qu’elle est la question à laquelle vous auriez aimé répondre et que je n’aurai pas posé ?

Amélie Leperlier : On me demande souvent, compte tenu de la longueur des études, compte tenu de la charge de travail, compte tenu de l’investissement que ça demande d’être avocat, : mais est-ce que ça en vaut la peine ?

Et je réponds toujours oui, 1000 fois oui. C’est un métier qui, effectivement, a des aspects négatifs, on ne peut pas l’occulter.

C’est un métier qui est difficile, mais c’est un métier qui est tellement enrichissant. D’un point de vue personnel, vous êtes amené à rencontrer des gens totalement différents. Vous êtes obligé sans cesse de vous remettre en question. Vous êtes obligé de vous challenger, de dépasser vos limites, de vous adapter, de vous améliorer.

C’est un métier qui implique de grandes responsabilités mais aussi des grandes joies quand on gagne des dossiers.

C’est un métier dans lequel on se sent vraiment utile. Bon je ne suis pas objective mais pour moi c’est l’un des plus beaux métiers du monde. Et puis c’est quand même assez romanesque aussi. On a un vrai espace de liberté, on peut exercer sous plusieurs formes différentes, dans plusieurs pays.

C’est plus qu’un métier : pour moi c’est vraiment une identité d’être avocat.

Donc quand on me demande si ça en vaut la peine, oui, les études sont longues, oui, parfois on a des échecs mais on est quand même rarement déçu par ce métier.

Voilà une très belle conclusion. Alors maintenant que l’on vous connaît un peu plus. Comment fait-on si l’on souhaite prendre contact avec vous ?

Amélie Leperlier : On peut me contacter sur mon adresse mail ou sinon sur mon LinkedIn et bien sûr sur mon Instagram :  maitre.leperlier.

Je vous remercie beaucoup pour cet entretien.

Amélie Leperlier : Merci à vous.

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